Histoire de l'Empire

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HISTOIRE

HISTOIRE GENERALE de l’ EMPIRE

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L’histoire de l’Empire romain est un sujet d’étude immense, objet de nombreuses spécialisations.

Ce cours exposé n’a d’autre ambition que de vous donner une vision très générale de l’histoire de Rome et plus particulièrement de l’Empire, ses grandes étapes, ses données générales, les quelques points qui ont fait de cette époque cruciale le fondement de nos sociétés modernes.

Une étude plus détaillée vous est proposée ensuite, siècle par siècle, bien que ce découpage quelque peu arbitraire ne corresponde pas toujours aux grands rythmes d’évolution de l’Empire.

Introduction

Nos ancêtres les Romains

C’est très vrai, autant que ‘ Nos ancêtres les Gaulois ’ eux-mêmes envahisseurs de l’Est venus se mêler aux populations préhistoriques occupant antérieurement ce qui sera plus tard la France.

Nos ancêtres au même titre que les Francs qui viendront avec d’autres populations germaniques envahir la Gaule à la chute de l’Empire.

Et puis nos ancêtres également pour l’apport culturel fondamental que Rome véhiculera à travers tout l’Empire, tant au plan politique, juridique, linguistique que militaire, nous transmettant indirectement l’immense héritage artistique et philosophique de la Grèce, ainsi qu’un urbanisme grandiose et un réseau routier qu’empruntent encore nos grands axes.

Seul l’apport religieux disparaîtra, tout comme celui des Germains, Celtes et Francs, laminé par la religion chrétienne dans la grande mouvance des religions monothéistes.

N’oublions pas enfin que notre territoire, la future France, entre dans l’Histoire avec l’arrivée de Jules César et l’apport de l’écriture qui va révolutionner les relations sociales.

L’Empire, summum du génie romain, restera pour les deux millénaires suivant sa création un modèle que tout pouvoir politique tendra à imiter dans notre civilisation occidentale de Charlemagne à Napoléon, en passant par Charles Quint , les monarchies britanniques, les Tsars de Russie, et encore aujourd’hui, sous une forme beaucoup plus moderne, la construction européenne .

L’Empire a tout connu, des meilleurs Empereurs comme Auguste, Trajan, Hadrien, Antonin-le-Pieux, aux pires comme Néron, Caligula, Commode et bien d’autres, lorsque les anciennes valeurs romaines auront disparu.

C’était un régime politique qui avait la grande force d’une unicité décisionnelle à sa tête, et par là-même la grande faiblesse de dépendre en grande partie de la qualité du Prince qui le gouvernait, cela tout en gardant l’apparence d’une démocratie, système très habilement mis en place par Auguste et que nous retrouvons sur les monnaies avec le fameux SC ( Senatus Consulto ), indiquant la prééminence ( toute théorique ) du pouvoir politique du Sénat sur les prérogatives ( bien réelles celles-là ) de l’Empereur.

Par la mention Senatus Consulto ( avec l’Agrément du Sénat ) l’Empereur reconnaissait que ses pouvoirs ( notamment l’Impérium, c’est-à-dire le Commandement suprême des légions ) et ses titres ( Pater Patriae = Père de la Patrie ; Pontifex Maximus = Grand Pontife, soit Chef de la Religion officielle ; Consul ) lui venaient directement du pouvoir politique du Sénat.

De fait les Empereurs tiendront bien souvent leur pouvoir de leurs troupes qui, par l’Acclamation, faisaient l’Empereur, le Sénat se contentant bien souvent de ratifier une décision qui lui échappait.

Reste néanmoins que ceux que nous qualifions aujourd’hui d’Empereurs ( les 106 Empereurs officiels ) sont ceux qui ont reçu l’agrément du Sénat, les autres se trouvant relégués au rang d’Usurpateurs, même s’ils ont parfois sauvé la situation face à un pouvoir central affaibli, incapable d’assurer la sécurité des frontières, et s’ils ont régné de nombreuses années, comme Postume, assumant dignement toutes les charges et les missions impériales sur les vastes territoires qu’ils contrôlaient.

Bien sûr, bon nombre de ces Usurpateurs n’étaient que des aventuriers, tentant un coup d’Etat militaire par simple ambition personnelle, rêvant de la pourpre ( la couleur de la toge impériale ) ou ayant simplement l’ambition de créer un petit royaume en marge de l’Empire.

L’Histoire de Rome, débutant traditionnellement au 8° siècle avant Jésus Christ par la légende de Romus et Rémulus a vu le tout petit peuple des Latins grandir, prendre de l’importance, conquérir et remplacer les rois étrusques , gagner progressivement toute la péninsule italique, se frotter notamment aux comptoirs grecs, instaurer pour quelques siècles la République, dériver et sombrer dans les guerres civiles, ce qui finit toujours pareil, par la reprise en mains du pays par le pouvoir militaire, en l’occurrence des généraux ayant acquis une certaine renommée et apparaissant comme les sauveurs rétablissant l’ordre, ultimes recours face à une situation inextricable.

C’est exactement ce qui s’est mis en place au cours du 1°siècle av.JC en commençant avec Jules César qui, au travers de son célèbre récit de la ‘ Guerres des Gaules ’ présentait son action à son avantage avec beaucoup de finesse pour impressionner un Sénat qui devait lui confier les pleins pouvoirs. Un assassinat a coupé court à un projet qui sera repris quelques années plus tard par Octave, futur Auguste, après avoir éliminé d’autres compétiteurs tel Marc Antoine, et débouchera sur le Principat, porte grande ouverte à l’Empire.

Les grandes étapes de ROME

Le peuple des Latins, tout petit numériquement à ses débuts, est issu de la grande mouvance indo-européenne qui s’est installée au nord de la Méditerranée, et particulièrement dans ce qui deviendra l’Italie, autour de l’an mille avant Jésus Christ.

N’en déplaisent à certains qui, pour exister, ont besoin de contester ce que leurs prédécesseurs ont découvert, les Latins ont en commun avec tous ces peuples venus du nord de l’Inde un fond linguistique qui témoigne d’un fond culturel commun, et par là-même une origine géographique proche si ce n’est commune.

Bien sûr, cet apport humain étranger est venu se greffer sur un substrat local antérieur, plus méditerranéen, entre autres les Villanoviens . Il en découlera une construction de la civilisation romaine faite d’apports complémentaires.

Au VIII° siècle avant J.C., en 753 av.J.C. si l’on se réfère à la création mythologique de Rome par Romulus et Rémus, les Latins s’installent sur les sept collines qui surplombent les marécages de la plaine du Tibre. Sept pseudo collines puisque la géomorphologie du secteur nous apprend qu’il s’agit en réalité de reliefs résiduels d’un plateau entaillé et découpé par l’érosion.

Les premiers temps de ces agriculteurs entourés de puissants voisins déjà urbanisés ( Etrusques au nord, Sabins au sud, Samnites), seront modestes ( habitat de huttes couvertes de chaume ).

Cette période archaïque des cabanes s’étalera environ de 750 à 600 avant J.C. : les sept villages se fédèrent en une ligue appelée le Septimontium ( les 7 monts ou 7 collines ).

La naissance de la Ville se situe entre 600 et 550 sous l’influence des Etrusques qui utilisent Rome en raison de son importance stratégique.

Des rois étrusques y régneront un siècle, probablement jusque vers 450 ( et non jusqu’en 509 comme le prétendent les Romains, pour faire coïncider leur indépendance, la chute du dernier roi étrusque, Tarquin le Superbe, avec la création du temple du Capitole).

Ce ne sera pas la dernière fois que, pour des raisons politico-religieuses, on tordra quelque peu la vérité historique.

La période républicaine s’étalera donc du milieu du V° siècle à l’an 27 av.J.C., date de l’instauration du Principat par Auguste.

La République connaîtra le meilleur comme le pire.

Du V° au III° siècle av.J.C., Rome se lance dans la conquête de la péninsule italique, puis progressivement de tout le pourtour méditerranéen, au point de surnommer la Méditerranée « Mare Nostrum », Notre Mer, comme s’il s’agissait d’un territoire romain. Il n’en reste pas moins que la Méditerranée a permis à Rome de circuler aisément d’Est en Ouest, et du Nord au Sud de l’Empire : le transport des marchandises est beaucoup moins coûteux par mer que par terre.

L’ennemi qui opposa le plus de résistance, mais qui permis également de récupérer de vastes territoires en Europe occidentale et en Afrique du Nord, c’est Carthage . Il aura fallu trois guerres longues et difficiles pour en venir à bout, les célèbres Guerres puniques, qui aboutirent en 146 av.J.C. à la disparition totale et définitive de la ville .

« Delenda Carthago », « il faut détruire Carthage », ainsi finissait tous ses discours Caton, au Sénat, illustrant parfaitement cette volonté tenace qui habitait les Romains. Dans leurs combats, ils ne lâchaient jamais le morceau. Une seule issue pour eux : la victoire, quand ce n’était pas la défaite et la mort qui étaient au rendez-vous. De toute façon, il n’y avait pas d’autre option, puisque telle était la volonté des dieux.

A la chute des rois étrusques, au début du IV° siècle av.J.C., c’est le chaos, comme chaque fois en l’absence de pouvoir politique stable. Les Gaulois de la plaine du Pô pillent Rome en 390 av.J.C., et toutes les archives partent en fumée.

La Plèbe, le Peuple, en profite pour contester aux élites en place, le Patriciat, le pouvoir.

La revendication première consistait à réclamer la publication des lois, gardées secrètes au prétexte qu’elles étaient de nature religieuse : ce fût réglé partiellement par la création de la Loi des XII Tables.

La guerre civile dura un siècle, à cheval sur le III° et le II° siècle av.J.C.

Le problème agraire (concentration des terres dans les mains des plus riches, suite à l’endettement et à la faillite des petits propriétaires, accentuée par le grignotage progressif de « l’ager publicus », terres appartenant à l’Etat, par la classe dominante) fût partiellement, et temporairement réglé par l’action des Gracques, ces deux frères tribuns de la plèbe.

S’ensuivit une période extrêmement complexe au cours de laquelle, tour à tour, chaque camp marquait des points au détriment du camp d’en face. Tantôt les « populares » l’emportaient, tantôt le balancier penchait vers les « optimates », la classe dirigeante. Et dans cette inextricable confusion, des appétits personnels se faisaient jour, tels les Marius, les Sylla, tous avec des casaques différentes, des discours politiques égalitaires ou sécuritaires, et une irrépressible envie de s’emparer du pouvoir.

A la sortie de toutes ses luttes fratricides, le chef militaire qui émerge, l’Imperator, le chef des armées, c’est César, bien connu pour avoir réalisé la conquête des Gaules. Grâce à lui et à son récit, nous entrons dans l’Histoire, et dans la civilisation gallo-romaine.

Par ses actions militaires et une très longue succession d’efforts, César se hisse à la tête de l’Etat et obtient du Sénat les pleins pouvoirs. Ayant parfaitement analysé la situation et préparé les réformes à entreprendre il se lance avec courage dans un remaniement en profondeur de toute la société romaine.

A ce stade, Lucien JERPHAGNON résume parfaitement la situation quand il dit « Ainsi s’ébauchait une étatisation des provinces qui constituait un réel progrès, et qui se confirmera plus tard, quand enfin la vieille République prédatrice aura fait place à ce qu’il est convenu d’appeler l’Empire » (1).

Alors qu’il était à deux doigts de réussir, de transformer radicalement la société romaine et son fonctionnement politique, César est assassiné aux ides de mars, le 15 mars 44 av.J.C.

Son génie politique l’a rendu trop sûr de lui. Peut-être a t-il voulu accélérer les choses pour ne pas laisser à ses contradicteurs la possibilité d’entraver son action. Toujours est-il qu’il tombe sous les coups des derniers républicains fanatiques, de cette oligarchie qui craignait tant pour ses prérogatives exhorbitantes auxquelles César voulait donner un coup d’arrêt pour limiter les injustices sociales.

C’est alors qu’interviendra le futur Auguste, qui s’appelle encore Octave, mais qui est l’héritier de l’immense fortune de César.

Après une lente et tenace ascension, il éliminera un à un tous ses compétiteurs.

Nous sommes en 27 av.J.C.

Auguste, avec une grande habileté politique, se fait remettre progressivement les pleins pouvoirs par le Sénat, tout en se faisant prier, feignant de n’en être point suffisamment digne. En un mot, c’est lui qui rend service à Rome. Comment mieux assoir son pouvoir ? Qui pourrait le lui contester après un tel sacrifice ?

( 1 ) Lucien JERPHAGNON - Histoire de la Rome antique - Tallandier 2002

Las des guerres civiles les Romains voient en Auguste le sauveur, l’homme providentiel qui protège tout en respectant la République et son organisation politique.

La méthode est cavalière, mais le besoin était bien réel.

Notion importante, pour le Romain, la République n’a pas le sens que nous lui accordons. La Res Publica, c’est la chose publique, ce qui appartient à tous et qu’aucun ne peut confisquer à son profit personnel : Rome gardait des anciens temps, l’époque où elle vivait sous la domination étrusque, une horreur viscérale de la royauté.

Quant à la notion d’Empire, elle était tout simplement inconnue. C’est un concept moderne, politiquement une supra-royauté, que nous avons appliqué au nouveau régime instauré par Auguste, fabriqué à partir du titre d’Imperator, qui était attribué au chef militaire, victorieux, qui commandait une ou plusieurs légions.

Le titre porté à partir d’Auguste par les Empereurs est Princeps, dont nous ferons improprement également, Prince. Il désigne de fait le Premier, le magistrat qui parle en premier ( ce qui laissait peu de place aux contradicteurs par la suite )

Avec Auguste, la forme était sauve. Les monnaies, dont la frappe est un privilège régalien des pouvoirs politiques, portaient respectueusement la mention SC ( Senatus Consulto : avec l’agrément du Sénat ). Quant aux légions leurs bannières portaient en tête SPQR ( Senatus Populus Que Romanus : au nom du Sénat et du Peuple Romain ) indiquant à la fois leur légitimité et le pouvoir politique dont elles étaient le bras armé.

Quant à la forme du pouvoir d’Auguste, et de ces successeurs, aucune ambiguïté, c’est un pouvoir personnel, ultra centralisé, ce qui lui donna toute sa cohérence et son efficacité. Au sens moderne du vocable, c’est pleinement un Empire.

Etait-ce un progrès ? Au plan organisationnel sans aucun doute : contrôler de si vastes territoires nécessitait une gouvernance centralisée. Au plan sociétal, assurément : la République romaine, certes débarrassée des contraintes politique de la royauté tenue qui plus est par des monarques étrangers ( les Etrusques ), avait sombré depuis longtemps dans une dérive politique qui donnait de fait les pleins pouvoirs à une classe dirigeante richissime qui avait perdu depuis longtemps les qualités romaines de base ( Gravitas, Virtus, Auctoritas… ) et qui pillait sans vergogne les Provinces, sans conscience du rôle qu’elle aurait dû assumer. Quant au retour à la paix civile, là encore le bénéfice est immense pour Rome et les provinces.

Pour ses contemporains, Auguste n’est nullement un tyran qui a usurpé le pouvoir à des fins personnelles, mais tout simplement le restaurateur de la République, celui qui a rétabli l’ordre et la sécurité intérieures, apporté la paix, la justice, le développement économique, en un mot une respiration pour ne pas dire un retour au bonheur de tous, à Rome et dans les provinces.

Tout cela s’exprime dans le culte impérial à Auguste et à sa famille, concrétisé dans la formule retrouvée entre autres sur les « as » de Lyon : ROM ET AUG ( à Rome et à Auguste ), culte à la déesse Rome qui protège la Ville et à Auguste ( plus tard l’Auguste, terme générique désignant chaque Empereur ) qui gère l’Empire avec modestie et efficacité. Ce n’est pas l’homme Auguste qui est important, c’est sa fonction et le pouvoir temporel qu’il exerce.

L’instauration du régime du Principat, César l’avait pressenti, Auguste l’a fait.

Les grandes réformes sont là, discrètes mais parfaitement opérationnelles, conjonction de la philosophie grecque ( d’essence stoïque principalement, mais aussi pythagoricienne ) et du pragmatisme, mêlé de morale, romains.

Auguste ( - 27 av.JC à 14 ap.JC ) a magistralement réussi le virage politique qui a sauvé Rome de la décadence et de la ruine. Avec habileté et tact, il a su mettre au pas cette classe sénatoriale qui n’avait que « Liberté » à la bouche et corruption à la main, soucieuse de ses prérogatives sans aucun sens de l’Etat.

Auguste, suivant en cela les intuitions de César, est le vrai concepteur du Principat, avec un sens aigü de l’Etat et du bien public, mettant en valeur sa fonction, et non sa personne. Le philosophe Sénèque, porteur des valeurs stoïciennes, sera le deuxième grand concepteur de cette haute idée de l’Etat. Il ne sera pas au pouvoir, mais guidera longtemps l’éducation et la pensée de Néron, Néron qui gèrera l’Empire avec sagesse tant que Sénèque sera là. Ses dérives orientalisantes l’amèneront malheureusement à ruiner l’Empire, à finir tragiquement, et à laisser de lui une image déplorable dans l’histoire.

Auguste réussi, en quarante années de règne, à installer solidement le principat ( pour cinq siècles ! ) bien qu’il eût toutes les peines du monde à préparer sa succession tant il perdit de proches. Mais cet homme tenace, bien que d’une santé fragile, franchit toutes les difficultés et publia même à 75 ans sa biographie, complétée d’un historique de son action et d’un état des lieux de l’Empire. Une espèce de testament politique à l’usage de ses successeurs, dont bien peu atteindront son degré d’efficacité et de qualités au service de l’Etat. Sa seule faiblesse est d’avoir cru à l’héritage familial, sans avoir mesuré que le principe d’organiser sa succession était une très bonne chose, à condition de préparer des hommes, les meilleurs, même hors de sa propre descendance. Nous verrons plus tard que les Antonins, par le principe de l’adoptio, atteindront ce haut degré d’efficacité et de sens de l’Etat.

Les successeurs d’Auguste, les Julio-Claudiens, nous ont laissé des traces parfois bien déformées de leurs actions et de leurs personnages.

Tibère ( 14 à 37 ), le fils aîné de Livia l’épouse d’Auguste, que l’on dit paranoïaque, tyrannique et complétement dépravé n’avait certes pas le charisme de son père adoptif, mais ce sont surtout sa lourde hérédité et son enfance traumatisante qui en firent un être avant-tout dépressif. Il n’en fût pas moins un Empereur attentif, respectueux de l’action entreprise par Auguste. A sa mort il laissa pleines les caisses de l’Etat.

Son successeur, Caligula ( 37 à 41 ) inaugura les folies extravagantes d’un nouveau modèle de dirigeant, le monarque oriental, première d’une longue série de dérives religieuses issues du Moyen-Orient.

Classiquement, l’armée dut intervenir, ce qui n’est pas une preuve de bonne santé politique.

Après le règne de Claude ( 41 à 54 ), mal-aimé de ses contemporains pour des considérations liées à son physique mais aussi pour d’autres liées au choix de ses collaborateurs et pourtant remarquable administrateur de l’Empire, vint le règne de Néron ( 54 à 68 ), lui aussi frappé par le délire moyen-oriental. Cela finit bien sûr comme pour Caligula, tragiquement pour eux, ce qui est anecdotique, mais bien plus grave, par la ruine des finances de l’Empire, le chaos politique et le risque de guerre civile qui s’ensuivit, l’année 69, année des quatre Empereurs ( Galba, Othon, Vitellius et enfin Vespasien ), illustrant bien le danger dans lequel fût plonger l’Etat et sa population.

Galba ( 68 à 69 ), militaire rigoureux, excellent administrateur dans la plus pure ligne d’Auguste, est le premier Empereur à avoir compris la nécessité de l’adoptio pour transmettre le pouvoir au plus apte à gérer l’Empire. Pour ce faire il adopta Pison, un sénateur, mais fragilisé par une trop grande rigueur, il n’eut pas le loisir de mener son entreprise à terme.

Après les éliminations successives d’Othon ( 69 ) et de Vitellius ( 69 ), Vespasien ( 69 à 79 ) accède à la pourpre. C’est une double leçon pour l’Empire : un Empereur pouvait être hissé au pouvoir suprême hors de Rome ( Galba a été acclamé Empereur par ses légions à Alexandrie ) et le pouvoir pouvait échapper à la classe dirigeante ( Galba était d’extraction modeste ), et ce sans que le Principat ( « République à une seule tête » ) ne soit remis en question. Lourde conséquence également de l’effondrement du pouvoir, c’est l’armée, par l’acclamatio, qui décide du futur Empereur avec un Sénat qui n’est plus qu’une chambre d’enregistrement.

Vespasien, c’est un pragmatique, sérieux, solide, prudent, qui sut s’entourer d’hommes lui ressemblant. Il est au civil ce qu’est le très bon sous-officier dans l’armée, celui qui sur le terrain fait le job, sans gloire, mais avec cette indéfectible efficacité qui fait les hommes sur lesquels on peut compter en tous temps, et particulièrement en cas de pépin. Rome pouvait respirer, les commandes étaient fermement tenues, la gravitas retrouvée, la bonne gestion économique, financière et sociétale en marche. Et le Sénat retrouvait, sans grand mérite, mais avec soulagement, sinon son pouvoir, tout au moins son honorabilité et son prestige. Les provinces elles-mêmes profitèrent de cette excellente gestion, et tout l’Empire connu une période de prospérité et de progrès.

Les dix ans de règne de Vespasien, exemplaires, permirent pour la première fois aux peuples des provinces d’acquérir une conscience politique commune, de se sentir romains, protégés par l’Empire et l’Auguste qui le pilotait. L’esprit d’un Empereur soucieux des territoires qu’il contrôle, développe et protège n’est plus le même que celui qui prévalait chez les « Républicains » du I° siècle avant J.C. qui ne voyaient dans les provinces que vaincus corvéables et exploitables sans limite. Le monde civilisé avait changé, et en bien.

Titus ( 79 à 81 ), fils aîné de Vespasien, prit la suite de son père, jusque dans la poursuite de la même politique, la même gouvernance de l’Empire, certes un peu moins bon gestionnaire au plan financier. Puis vint le tour du cadet, Domitien ( 81 à 96 ) qui par son caractère nous laissa une image plus noire que méritée. Sa politique suivit celle de ses prédécesseurs, à ceci près qu’il se mit le Sénat à dos en favorisant l’Ordre équestre, au détriment dans la haute administration du groupe des affranchis mis en place sous Claude. Seule véritable ombre au tableau, Domitien succomba aux charmes moyen-orientaux qui lui valurent, à juste raison ( rappelons-nous des dérives de Caligula et de Néron ) les foudres du clan des stoïciens du Sénat. Ainsi se terminait la dynastie des Flaviens.

Domitien éliminé par le poignard, on fît appel à un vieux sénateur pour en faire un Empereur de transition : Nerva ( 96 à 98 ). Le siècle béni des dieux, le temps des Antonins, s’ouvrait avec l’arrivée d’un sage qui n’accepta le pouvoir suprême que dans le but de le transmettre au plus digne de la fonction dès que possible.

Las des errances du passé, le Sénat, pour reprendre la sage formule de Galba « l’adoption saura chaque fois désigner le plus digne », tout en occultant la première partie du texte qui précisait que c’était en l’absence de tout héritier, favorisa le principe de l’adoptio.

Cette excellente formule permit à six Empereurs de se succéder sans heurts pendant tout le II° siècle, âge d’or de l’Empire, celui de la Pax romana, cette longue période de paix intérieure qui permit son plus grand développement.

Nerva, 70 ans et sans enfants, gouverna avec prudence, sagesse et habileté. Il eût le temps d’adopter un militaire fiable, de hautes valeurs morales, le légat de Germanie supérieure, chef des armées du Rhin, Trajan ( 98 à 117 ) avant de s’éteindre.

Là nous entrons dans du lourd. Trajan compte avec ses successeurs jusqu’à Marc-Aurèle, Auguste au I° siècle et quelques rares Empereurs courageux du III° siècle tel Aurélien, dans ce qui se fit de mieux comme Empereurs : des hommes solides, cultivés, ayant au plus au point le sens de l’Etat et la volonté de le servir.

C’est la première fois qu’un Empereur est originaire d’une province, la Bétique en l’occurrence, à Italica, certes d’une vieille famille italienne. Il en sera de même pour Hadrien ( Italica ) et pour Antonin le Pieux ( Nîmes en Narbonnaise ).

Trajan mit en place les « alimenta », système qu’avait prévu Nerva et préparé en lui laissant à sa mort une fortune considérable. L’Empereur devenait le bienfaiteur des citoyens en créant dans chaque cité importante une sorte de fondation dotée d’un capital servant à financer les propriétaires terriens, charge à eux de verser un intérêt annuel, intérêt qui quant à lui servait à alimenter une caisse de secours, espèce de Caisse d’Allocations Familiales pour venir en aide aux familles nécessiteuses avec enfants. Le système fonctionna si bien qu’il perdura bien après Trajan. Administrateur hors pair, avec un souci permanent de justice, l’Empereur correspondait régulièrement avec ses gouverneurs de provinces ( précieux documents échangés avec Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie ).

Au plan financier les caisses de l’Etat étaient mal en point : peu de réserves et problèmes liés à l’arsouillerie de Néron qui avait diminué frauduleusement la valeur de l’aureus et du denier, pervertissant au passage le rapport traditionnel or/argent. La mauvaise monnaie chassant la bonne, les romains thésaurisaient les monnaies d’avant la réforme de Néron, et l’Empire commençait sérieusement à manquer de métaux précieux.

Trajan régla le problème en démonétisant les anciennes frappes d’avant la réforme de Néron et, à la romaine, relança les conquêtes territoriales. Le meilleur coup, après plusieurs années d’efforts militaires, fut la conquête de la Dacie : l’Empereur en revint avec 165 tonnes d’or et 300 tonnes d’argent. Problème réglé pour quelques temps.

Trajan fût le dernier Empereur ayant entrepris d’agrandir l’Empire, qui atteignit sous son règne sa plus grande expansion, tous ses successeurs se contentant de défendre les acquis. Ainsi, pour le plus grand malheur de Rome, et le nôtre ensuite, la Germanie au Nord, et le royaume parthe à l’Est échappèrent définitivement à la civilisation romaine.

Avec l’aide de Plotine, l’épouse de Trajan, Hadrien ( 117 à 138 ) accède à l’Empire à quarante deux ans. Homme de culture, scrupuleux administrateur, il passe la moitié de son règne à visiter la totalité des provinces.

Il entretint de mauvaises relations avec le Sénat pour lequel il avait peu de considérations, finissant de lui ôter tout rôle effectif. L’administration centrale est renforcée, issue de chevaliers de grandes compétences. La législation, les réglementations, évoluent vers plus de professionnalisme, mais également vers plus d’humanisme, plus de justice. Dans un contexte général de « plus d’Etat », le fisc également centralise la perception des impôts qui échappent, avec tous les excès que cela engendrait, au système des fermiers privés ( délégations de perception de l’impôt ).

Hadrien, soucieux du devenir de l’Empire, adopta Antonin le Pieux ( 138 à 161 ) sous condition qu’il adopta lui-même Lucius Verus et Marc Aurèle, ce qui fût fait.

Avec Antonin, nous entrons dans la plus belle période de Rome : le temps de la Pax Romana, cette paix de Rome, une fois les frontières stabilisées, l’Empire solide avec son administration bien en place, le calme intérieur à peu près établi avec des populations certes disparates mais suffisamment romanisées pour se tenir tranquilles, respectées dans leurs cultures locales et leurs croyances. La pression aux frontières n’est pas encore dangereuse, le christianisme n’a pas encore sapé les structures de l’Empire.

Le commerce est florissant, les hommes peuvent travailler en paix, conscients d’appartenir au monde civilisé romain, et à leur « petite patrie », bien différente, mais compatible avec l’Empire, qui faisait leur quotidien, et où l’on pratiquait conjointement un culte aux divinités locales avec celui dû au culte impérial qui était une sorte d’allégeance au pouvoir politique de l’Empire. Pendant longtemps, Rome a réprimé les chrétiens, non parce qu’ils croyaient en leur dieu spécifique, mais parce qu’ils refusaient, en vertu du caractère monothéiste de leur religion, de reconnaître le culte impérial. C’était pour Rome une forme de rébellion politique. Pour les mêmes raisons également, au I° siècle, les Juifs n’ont jamais pu admettre la tutelle politique de Rome, leur royaume réduit à néant et leur population dispersée, comme pour Carthage . Les Grecs qu’en à eux, s’en sont très bien accommodés, au point d’en bénéficier tant sur le plan politique ( fin des guerres intestines entre cités) et reconnaissance de leur très grande culture, au point d’en devenir celle des lettrés de tout l’Empire .

Au plan littéraire le deuxième siècle est extraordinaire. De grands historiens, au sens moderne du terme, mais avec une approche politico-philosophique complémentaire, nous éclairent sur le I° et le II° siècle : Tacite, originaire de Narbonnaise, avec un éclairage de sénateur, Suétone avec celui d’un chevalier, Flavius Josèphe avec celui d’un romain bien qu’il fut juif, très attaché à sa religion. Et puis il y a Pline le jeune, dont la considérable correspondance avec Hadrien, avec ses proches, avec Tacite et Suétone, nous éclaire sur le quotidien de ce monde apaisé, certes pas parfait, mais tellement porteur comparé aux périodes troubles ou cahotiques précédentes, sans parler de ce qui suivra. Même le poète Juvénal, au travers de ses critiques de la société, apporte foule de détails, parfois réalistes, quelque fois caricaturaux, sur le monde qui l’entoure. Philosophiquement le stoïcisme continue d’avoir la faveur des lettrés ( Epictète à Nicopolis, Plutarque à tendance plus platonicienne, qui considère que philosophie et politique occupent le même espace, Dion de Pruse créant le parallèle entre le règne de Zeus/Jupiter dans les cieux et celui de l’Empereur) . Ce sont les qualités et les compétences de l’homme qui doivent faire le souverain.

Antonin le Pieux fût l’humaniste par excellence, respectueux du Sénat et de tous les romains, d’un bout à l’autre de l’Empire. Il faut dire que les dieux l’ont favorisé, car son règne fût calme. Son style bon père de famille lui donnait l’air du roi-bourgeois, bien dans sa tête, bien dans ses meubles ( au sens très large du terme ) tel Louis Philippe, certes roi, mais en lequel chaque bourgeois quelque peu fortuné pouvait se reconnaître.

Econome des deniers publics, Antonin le Pieux gérait l’Empire avec modération. Les services administratifs avaient pris leur vitesse de croisière et la grande machine impériale, bien huilée, ronronnait sans à-coup. Le maître-mot du règne d’Antonin le Pieux, c’est « stabilité », le meilleur des mondes en quelque sorte.

Dans ce contexte apaisé, avec un Empereur soucieux de tous, attentif aux injustices et aux excès, la distinction juridique entre citoyens et non-citoyens perd de son importance, remplacé par une notion sociale, certes ancienne, mais caractérisée clairement pour la première fois, celle des honestiores et des humiliores, les puissants et les humbles.

Simple reconnaissance d’un fait social, toute société quelle que soit sa forme politique, ayant toujours sécrété des classes sociales différenciées par leur richesse, et en conséquence par leur influence.

Cette notion d’honestiores et d’humiliores prendra de l’importance beaucoup plus tard, quand les Empereurs auront le titre de Dominus ( Dominus Noster : Notre Maître sur les monnaies ) avec la dégénérescence de la société au Haut Moyen-Age consécutive à l’effondrement de l’Empire et l’apparition de la société féodale.

Marc Aurèle ( 161 à 180 ) succèda sans discontinuité à Antonin, tant ce dernier l’avait de longue date associé aux affaires, en pleine conformité avec le vœu fait à Hadrien.

La double adoption faite par Antonin eût comme conséquence immédiate l’association dès le début du règne de Marc Aurèle de son « jumeau » Lucius Verus ( 161 à 169 ) au pouvoir à titre égal d’Auguste. C’était la première fois qu’il y avait deux Augustes, bien qu’en fait le rôle de Lucius Verus, noceur peu sérieux, fût des plus réduits. Une attaque d’apoplexie l’emporte heureusement très tôt, conséquence de ses multiples excès ou signe des dieux ?

Comme son prédécesseur, Empereur stoïcien, Marc Aurèle est un lettré, un Sage, honnête, droit, à la moralité irréprochable, avec un sens du devoir prononcé, portant la chose publique au plus haut point, le type même du Prince éclairé qui donne toute sa légitimité au régime du Principat.

De lui nous reste des textes précieux dont ses fameuses « Pensées pour moi-même », de fait une espèce de compilation des nombreuses directives reçues de ses maîtres stoïciens.

Hélas pour Marc Aurèle, hélas pour l’Empire, de gros nuages noirs apparurent aux frontières, toujours les mêmes : les Parthes en Orient et les innombrables tribus belliqueuses cantonnées pour un temps au Nord du Danube et à l’Est du Rhin. Les grandes invasions commençaient, les peuples du Nord poussant ceux qui étaient déjà au contact du limes.

L’Empereur philosophe par conviction allait devenir Empereur soldat par nécessité. Consciencieusement Marc Aurèle aura fait le boulot jusqu’au bout.

Autre malheur, le retour des guerres (victorieuses) contre les Parthes ramena la peste qui sévit pendant vingt ans.

La seule faute, très grave, de Marc Aurèle aura été de transmettre l’Empire à son fils Commode ( co-Empereur de 177 à 180 et Empereur de 180 à 192 ), rompant ainsi la tradition de l’adoptio, d’une haute portée politique, qui consistait sous les Antonins ( de Nerva à Marc Aurèle ) à transmettre le pouvoir au plus compétent sans considération de filiation.

La fin du règne de Marc Aurèle est marqué par une récession économique et financière dûe aux guerres et aux épidémies qui ont saigné l’Empire. La peste emporta l’Empereur, et son fils Commode accéda au pouvoir.

Il n’avait hélas ni les capacités, ni l’altruisme de son père, pas plus que le sens de l’Etat. Il réussit cependant au début de son règne à stabiliser le front Nord en traitant avec les Marcomans et les Quades et eût la sagesse de s’appuyer sur les conseillers de son père.

L’entourage de Commode, et son fonctionnement personnel, ressemblait de plus en plus à celui de Néron ou de Domitien. Sa sœur, Lucilla (veuve de Lucius Verus) complotait contre lui, et son épouse, Crispina, finit assassinée.

C’est surtout la haute société de Rome qui eût à souffrir de la folie meurtrière et des dérives de Commode, le peuple et les provinces continuant à bénéficier d’un fonctionnement administratif solidement établi.

Commode éliminé, le pouvoir échu à Pertinax ( 193 ) un sénateur des plus raisonnable, hélas éliminé moins de trois mois après par les prétoriens. Dide Julien ( 193 ), riche sénateur acheta les prétoriens, mais lui aussi, victime de la soldatesque périt moins de trois mois plus tard. Le Sénat, totalement déconsidéré, avait entériné les faits.

Dans ce vide politique, les légions du Danube, appuyées par celles du Rhin, proclament Septime Sévère ( 193 à 211 ) Empereur, pendant que les légions d’Orient font de même avec Pescennius Niger ( 193 à 194 ). C’est l’anarchie : en ces temps difficiles pour Rome, les militaires font et défont les Empereurs.

Pour couronner le tout, les légions de Bretagne proclament Clodius Albinus ( 193 à 197 ), avec l’appui des Gaules et de l’Hispanie. Il faudra plusieurs années à Septime Sévère pour éliminer après de durs combats ses deux compétiteurs. Originaire d’Afrique, d’extraction carthaginoise, et de grande culture romaine, avec un sens de l’Etat aigü, il épousa une princesse syrienne, Julia Domna, ce qui créa une nouvelle dynastie, celles des Sévères en titre, de fait celle des princesses syriennes après 211. Le côté mystique fort éloigné du stoïcisme de ces « régentes » gouvernant dans l’ombre de leurs fils orienta la fonction impériale sur une très mauvaise pente, plus proche des royautés orientales que des traditions romaines des deux siècles précédents. De fait on passera du régime du Principat, le « premier », à celui du Dominat, le « maître » à l'avènement de l'Empire chrétien à partir de 337 ( fin du règne de Constantin I° dit le Grand ).

Septime Sévère, au-delà de ces inquiétantes pratiques nouvelles, n’en est pas moins bon administrateur, surtout au plan juridique. Sous son règne Rome atteint le summum de la création et du professionnalisme de son droit. La philosophie platonicienne retrouve quelque intérêt, mâtinée de pas mal de superstitions moyen-orientales.

L’Empereur disparu, ce sont ses deux fils qui héritèrent du pouvoir : Caracalla ( 211 à 217 ) et Geta ( 211 à 212 ). Le premier élimina le second, ce qui explique son court règne.

L’édit de Caracalla de 212 accorde à tous la citoyenneté romaine, quel que soit son rang ( qui reste bien réel ), son appartenance à Rome, à l’Italie ou à la plus lointaine province. Ce nivellement par le haut, très important au plan juridique, n’était de fait qu’un alignement sur l’évolution sociétale qui se fît très progressivement. Et puis en tant que citoyen, on devenait ipso-facto un contribuable.

Caracalla favorise l’armée qui devint une véritable caste sociale, bien payée, au détriment de la classe dirigeante, sans toucher au peuple, les humiliores qui n’eurent pas tellement à souffrir de la politique de la dynastie des Sévères. Il périt en Orient lors d’une expédition contre les Parthes, assassiné par son Préfet du Prétoire, Macrin ( 217 à 218 ), qui s’empressa d’obtenir la pourpre en se faisant acclamer par ses troupes.

Suite à l’action souterraine des « princesses syriennes » ( les Julia Maesa, Soaemias et Mammaea, respectivement sœur et nièces de feu Julia Domna l’épouse de Septime Sévère ), la III° Légion se lève contre Macrin et son fils Diaduménien ( 218 ) fait Auguste dans l’urgence et les élimine. Les Sévères revenaient au pouvoir en la personne d’Elagabale ( 218 à 222 ), un gamin sous la coupe de sa mère et de sa grand-mère, fait Empereur par l’armée, globalement restée fidèle aux Sévères. Les extravagances du régime, pires que celles de Néron, finirent par un assassinat au profit de son cousin, Alexandre Sévère ( 222 à 235 ), lui-même aux mains de sa propre mère, Julia Mammaea, et bien sûr de son inoxydable grand-mère, Julia Maesa. La personnalité du nouvel Empereur de dix sept ans était aussi fade que celle de son prédécesseur était exubérante. Quant à sa valeur militaire, elle était nulle. Résultat positif cependant, la cour et l’administration furent épurés de tous les guignols qui entouraient Héliogabal, et un peu plus de sérieux éclaira la fin du règne des Sévères. La dignité, la moralité reprenaient force et vigueur, et même la religion traditionnelle romaine, la pierre noire sacrée d’Héliogabal réexpédiée en Syrie. L’excellent Préfet du Prétoire, Ulpien, juriste de formation et cheville ouvrière de la reprise en main, fût hélas assassiné un an après sa prise de fonction. Le régime des Sévères, mêlant tous les dieux et toutes les croyances dans un ensemble, allait vers un syncrétisme religieux qui annonçait la mode des monothéismes et de leurs futures dévastations.

A l’Est rien de bon ne s’annonçait : les Perses Sassanides avaient remplacé les Parthes en 227, devenant une nouvelle menace sur le front oriental, pendant que les Germains menaçaient la frontière du Rhin. L’incapacité militaire d’Alexandre Sévère entraîna son élimination par l’armée, en la personne de Maximin I dit le Thrace ( 235 à 238 ).

Grand témoin de l’époque, l’historien Dion Cassius illustre le gouvernement idéal, celui de princes éclairés, en citant la période des Antonins, en excluant très justement Commode.

S’ouvre alors une nouvelle période d’une cinquantaine d’années ( nous n’avons plus affaire à une dynastie ), où défilèrent des Empereurs issus de l’armée, la période des Empereurs militaires, que certains nomment l’Anarchie militaire.

Il est toujours difficile de fixer une frontière entre l’âge d’or de l’Empire, celui de ses progrès, le Haut Empire, et celui de sa dégénéressence progressive allant jusqu’à sa perte, le Bas Empire. Et ce parce que, malgré le glissement progressif dès le III° siècle, dû en grande partie au relâchement des Romains, aux menaces des grandes invasions et à la prépondérance du christianisme, on vit encore au cours du III° siècle de très grandes figures impériales, des Empereurs ayant le sens du devoir au service de l’Etat, des gens qui eurent malgré la difficulté des temps la conscience et l’énergie de se battre contre toutes les menaces, militaires, économiques, sociétales et religieuses ?

Avec le recul, on sait comment cela finit, et nous payons encore de nos jours l’addition, mais au moins eurent-ils le mérite d’essayer, de retarder la chute, de sauver ce qui pût l’être. Quelle leçon de courage et de persévérance pour les générations futures.

Quant aux superstitions et aux pratiques de la secte des chrétiens, elles ne dérangeaient pas beaucoup dans un Empire où toutes les croyances étaient acceptées sans problème, pour peu que l’on se comporta en bon citoyen, respectueux des cultes aux divinités romaines et au culte impérial. Et c’est là que le bât blesse. Comme l’écrivait Pline le Jeune à Trajan, «  j’ai pu constater chez les chrétiens une superstition déraisonnable et qui n’a aucun sens de la mesure ». Plus tard Marc Aurèle, stoïcien averti et convaincu, réfléchissant sur la mort, dira qu’il faut bien s’y résoudre, mais pas comme les chrétiens « par entêtement ».

Autre point défavorable aux chrétiens, ils sont issus des plus basses couches de la société, esclaves et affranchis (Jésus a d’ailleurs été crucifié comme les esclaves rebelles de Spartacus et quasiment pour les mêmes raisons : conspiration et incitation à la révolte ). Enfin, les juifs ne peuvent pas les voir, les traitant d’imposteurs. Les chrétiens avec leur monothéisme rejettent les dieux, ceux-ci se vengent. Et donc à chaque calamité qui tombe sur Rome, les chrétiens doivent expier leur faute, d’autant qu’ils refusent de se repentir et renier leur religion.

La position des Romains, dont le paganisme est d’ailleurs assez proche de notre laïcité, était simplement de demander à chacun de se conduire en citoyen, libre à chacun de croire en plus à toute fantaisie locale. La divinité d’un Empereur n’est que le signe de son rôle bienfaiteur sur terre, simple délégué des dieux bienfaiteurs dans les cieux. A part quelques illuminés pollués par des fascinations moyen-orientales, les Empereurs sérieux n’ont jamais recherché d’autre reconnaissance. Les dieux eux-mêmes n’avaient guère d’autre rôle que de permettre aux hommes une vie terrestre satisfaisante pour peu que ces derniers respectent les cérémonies prévues.

Pour les monothéistes, c’est plus grave : la grande escroquerie, face à un quotidien terrestre écrasant, c’est de promettre un monde meilleur « après » la mort. En vertu du principe bien connu deux mille ans plus tard, « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », on se fait la cerise sur une entourloupe. C’est pas cher, et ça peut rapporter gros, très gros même, tout un Empire à partir du IV° siècle, au point de le couler. Un peu facile, et pourtant ça marche, tant la désespérance est grande dans ces populations. C’est quand même moins compréhensible pour la contagion aux classes dirigeantes, cultivées, sans gros soucis matériels, sauf peut-être à considérer l’angoisse « que ça dure », et là c’était moins sûr.

Pour en revenir au déroulement historique de l'Empire, Maximin le Thrace inaugure une série de grands Empereurs issus de la province de Dalmatie, l'ancienne Illyrie, sur la côte qui borde la mer adriatique, face à l'Italie. D'origine modeste, peu cultivé, aux compétences militaires certaines, il négligea Sénat et Rome pour se consacrer à la guerre sur le Danube, avec de beaux succès. Mais il exerça une telle pression fiscale sur l'Empire pour financer l'armée que des révoltes éclatèrent, dont la plus grave qui lui fût fatale, la proclamation en Afrique proconsulaire de Gordien I ( printemps 238 ). Agé, celui-çi s'adjoignit immédiatement son fils, Gordien II ( printemps 238 ). Reconnus par le Sénat, les deux Gordiens furent éliminés au bout d'un mois par la légion de Numidie restée fidèle à Maximin.

Dans l'urgence, le Sénat choisit deux nouveaux Augustes parmi ses membres : Pupienus ( 238 ) et Balbinus ( 238 ). Pupienus fût chargé de la sécurité de Rome et Balbinus de combattre Maximin, toujours à la tête de ses légions. Malheureusement les deux Augustes ne parvinrent pas à s'entendre. Sous la pression de la population de Rome, le Sénat ajouta un troisième auguste : Gordien III ( 238 à 244 ), âgé de treize ans, petit-fils de Gordien I.

Au moment où Maximin descendait sur l'Italie, ses propres troupes l'éliminèrent, ainsi que son fils le césar Maximinus devant Aquilée, pour son inflexibilité.

Face à la crise dûe à la suspicion réciproque que nourissaient entre eux Pupienus et Balbinus, les prétoriens les éliminèrent tous les deux.

Restait Gordien III, incapable d'assumer sa charge en raison de son jeune âge. Le pouvoir se répartit discrètement entre les mains de sénateurs proches de l'Empereur et de sa mère. En 241 Gordien III eût la chance de se rapprocher de Timésithée dont il épousa la fille, homme remarquable, de rang équestre, ancien gouverneur de province. Ce beau-père de qualité devint Préfet du prétoire et régent de fait. Hélas la guerre reprit en Orient et, successivement, Timésithée et Gordien III périrent face aux Perses de Sapor I°.

Le nouveau Préfet du prétoire, Philippe I dit l'Arabe ( 244 à 249 ) qui accompagnait Gordien III, se fait acclamer Empereur par les troupes. Le Sénat entérina le fait.

Philippe I, dit l'Arabe, signa une paix précaire avec les Perses, nomma césar, et auguste ( co-Empereur ) son fils Philippe II ( 247 à 249 ), puis célébra en 248 avec faste le millième anniversaire de la fondation de Rome. Après deux tentatives d'usurpation, celle de Jotapianus en Cappadoce, et celle de Pacatianus sur le Danube, Trajan Dèce ( 249 à 251 ) se retrouve "à l'insu de son plein gré" propulsé à la tête de l'Empire après avoir vaincu Philippe I° à Vérone fin 249.

Nouvel Empereur d'origine illyrienne, militaire de haute valeur, Trajan Dèce se contenta de défendre avec énergie l'Empire, laissant à Licinius Valerianus, Président du Sénat, le soin de gérer les affaires civiles.Il y avait longtemps que le Sénat n'avait exercé en direct le pouvoir politique.

Il n'oublia pas cependant de hisser ses deux fils, Herennius Etruscus ( rappel au prestige de la culture étrusque ) et Hostilianus au rang de césars. L'Empereur Claude, au I° siècle, très cultivé, parlait encore l'étrusque.

En 250 Trajan Dèce ( de son vrai nom Decius, auquel il adjoignit celui du grand Trajan pour se rattacher symboliquement à lui et exprimer ainsi son soucis de bien faire, y compris la reconquête des provinces perdues depuis l'extension maximale de l'Empire en 117 ), promulga un édit de portée universelle obligeant chacun à sacrifier aux dieux romains et à l'Empereur, représentant de Rome. En deux années, tout était en place pour ressouder les populations de l'Empire face au péril des Germains au nord et des Perses à l'Est. Trajan Dèce, qui n'était pas romain d'origine, a vraiment fait le boulot. Que n'en fût-il pas ainsi de tous les citoyens.

En mai 251 Herennius Etruscus ( 251 ) est fait co-Empereur par son père.

A la tête de ses troupes, probablement abandonné par son successeur Trébonien Galle ( 251 à 253 ) alors gouverneur de Mésie, Trajan Dèce tombe face aux Goths sur le front des Balkans en juin 251.

Trébonien Galle fit auguste Hostilien ( 251 ), le fils de Trajan Dèce, ainsi que son propre fils, Volusien ( 251 à 253 ). Hostilien disparut rapidement, et le nouveau gouverneur de Mésie, Aemilien ( 253 ), se fit acclamer auguste par ses troupes, de même que Valerianus par les siennes. Il en résulta un conflit armé entre romains. Trébonien Galle et son fils Volusianus furent éliminés en 253, ainsi qu'Aemilianus.

Reste donc comme seul auguste l'Empereur Valérien I ( 253 à 260 ), ancien Président du Sénat, qui, a soixante dix ans, fait de son fils Gallien ( 253 à 268 ) son co-Empereur. Il prend en charge l'Orient, laissant à Gallien la charge de l'Occident.

L'Empire est attaqué de tous côtés, et pendant que Gallien tente de contenir les Goths sur les fronts Nord et les Berbères sur le front Sud, Valérien se porte en Orient face aux Perses qui avaient envahi la Mésopotamie, l'Arménie et une partie de la Syrie.

Hélas Valérien tomba aux mains du roi des Perses, Sapor I° en 259, et ne revint jamais. C'était la première fois qu'un Empereur romain était capturé vivant et assassiné par l'ennemi.

Gallien confie alors à ses deux fils,Valérien le Jeune ( Valérien II pour les numismates, bien qu'il ne fût jamais auguste ) et Saloninus la gestion de l'Occident, et à des militaires celle de l'Orient.

Suite aux succès remportés par Postume face aux Germains, Gallien fait de Salonin ( 259 ) son co-Empereur. Salonin sera assassiné par Postume qui fait sécession et usurpe le pouvoir, créant ce qu'on appelera l'Empire des Gaules.

Pragmatique et bon gestionnaire, Gallien eut le temps, en quinze années de règne, d'entreprendre de salutaires réformes, tant au plan civil ( gestion de provinces confiées à des administrateurs de rang équestre, réévaluation de la monnaie ) que militaire ( création d'une cavalerie lourde, composée de turmes, escadrons d'une trentaine de cavaliers, en complément des légions stationnées sur le limes, chargée d'opérations rapides et de mouvement, capables d'assurer une défense en profondeur, ainsi que création d'une garde rapprochée, les protectores, unité d'élite en complément des prétoriens chargés de la garde du palais impérial ).

Gallien, malgré tous ses efforts, perdit la Dacie et ne put résister à la création de l'Empire gaulois, usurpation de Postume en 259 sur les territoires de l'Ouest, de la Bretagne à l'Hispanie ( excepté peut-être la Bétique) en passant par les Germanies et les Gaules. Face à la pression des barbares ce fût un moindre mal, Postume réussissant à contenir les invasions. L'Empire gaulois repassera dans le giron de l'Empire en 273 après un simulacre de bataille grâce à la diplomatie d'Aurélien.

Toujours sous Gallien se constituera au sein de l'Empire une deuxième verrue, le royaume de Palmyre, dans le désert de Syrie, qui résistait face aux Perses, lui aussi récupéré ultérieurement par Aurélien.

Enfin, autre bizarrerie des temps, fin 267 ou début 268, un général de Gallien, Aureole ( 268 ), se fait proclamer Empereur par ses troupes dans le nord de l'Italie. Bien que n'ayant probablement jamais eu l'agrément du Sénat, il fait néanmoins partie des 106 Empereurs officiels. Il semble que nous ayons des monnaies frappées par Aureolus, mais pas à son propre nom, des monnaies au nom de Postumus, du temps où Aureole n'était que Maître de la cavalerie. C'est le seul Empereur romain pour lequel nous n'avons pas de monnaies à son propre nom.

Gallien est assassiné le 22 mars 268 par son nouveau Maître de la cavalerie, le futur Empereur Claude II . Durant le très court laps de temps compris entre l'assassinat de Gallien et l'acclamation de Claude II par ses troupes, il ne reste qu'un auguste : Aureolus. Cest ce qui légitime son statut d'Empereur.

Avec Gallien, et son épouse Salonine, s'achève la brillante période culturelle gréco-romaine. En Occident, on se contentera désormais de cultiver la réthorique, science de l'écrit et du bien parler, mais la philosophie, étouffée par le christianisme, disparaîtra pour longtemps. Le temps des penseurs a cédé le pas à celui des croyants. Plotin ne pourra réssuciter Platon.

Claude II le Gothique, 268 à 270, ( Illyrien d'origine, vainqueur des Goths ) inaugure une série d'Empereurs solides, issus des Balkans, nos ex-Yougoslavie/Bulgarie, militaires pragmatiques et patriotes comme les Italiens ne savaient plus l'être. Il fît réellement le travail, l'urgence étant de battre les envahisseurs du Nord. Hélas il mourru prématurément, frappé par la peste.

S'ensuivit le très court règne de trois semaines de son frère, Quintille ( 270 ), éliminé par les légions du Danube.

Aurélien ( 270 à 275 ), le bras droit de Claude, accède à la pourpre. Originaire de Pannonie, on le dit adepte du culte de Mithra, ce qui n'est pas certain. Ce qui est exact par contre, c'est qu'à partir de cette période le culte du dieu Soleil, Sol Invictus, prendra une importance grandissante, mais non exclusive. Les Empereurs illyriens n'en sont pas moins d'authentiques romains dans l'âme.

Ce dieu Soleil, aux formes multiples depuis des siècles, d'Occident en Orient, était supposer créer du lien, souder ces populations disparates auprès desquelles le culte impérial ne suffisait plus pour s'identifier à Rome.

Aurélien, sitôt au pouvoir, combat les barbares ayant envahit l'Italie du Nord et les repousse. Dans la continuité de son action, il renforce les fortifications de Rome, créant la muraille aurélienne, la vieille muraille servienne du temps de la République étant devenue obsolète, en mauvais état et trop petite pour la Ville qui avait grandit démeusurément. Désormais 19 km de remparts protégeaient la capitale de l'Empire, Empire qui n'était plus sûr de ses frontières. Tout n'était plus possible, et malgré de spectaculaires succès au Nord comme à l'Est, il fallu réduire la voilure, abandonner définitivement la Dacie pour des raisons stratégiques et se replier sur la rive droite du Danube.

Les frontières à peu près sécurisées, Aurélien s'attaque alors à la récupération des territoires ayant fait sécession : l'Empire gaulois et le royaume de Palmyre. Opérations réussies permettant la réunification de l'Empire. Tétricus ( 268 à 273 ), ancien gouverneur d'Aquitaine et dernier "Empereur" gaulois devint sénateur romain et Zénobie, reine de Palmyre, eut la fortune que certaines femmes ont le génie de créer, transformer une défaite totale en réussite personnelle, Aurélien ayant apparemment succombé aux charmes de sa prisonnière ( rien à voir avec le syndrome de Stockolm, nous sommes plus près de Cléopâtre VII aux mains, successivement, de Jules César et de Marc-Antoine : mais qui est aux mains de qui ? ).

Aurélien a bien fait le travail, et comme tout travail mérite récompense, qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien, etc...Il faut dire que Zénobie était d'une grande culture, femme d'esprit, et peut-être pas que...Moralité : l'esprit reste fort, c'est très utile, et la chair faible, c'est bien agréable.

L'Empereur trouva encore le temps et l'énergie de réformer les services de ravitaillement, les organisations professionnelles et la circulation monétaire, avant de tomber sous les coups d'une lugubre conspiration fomentée par un petit fonctionnaire accusé de détournements de fonds. Petite cause, grands effets, ainsi disparaissait l'un des meilleurs Empereurs que connu l'Empire. L'Histoire nous joue parfois de sales tours.

Le nouvel Empereur, Tacite ( 275 à 276 ) , pur produit du Sénat, se dit descendant du grand historien. A ce titre il fit exécuter de nombreuses copies des ouvrages de son illustre ancêtre afin d'en doter de nombreuses bibliothèques, pour notre plus grand bénéfice, et eut encore le courage, a plus de 75 ans , d'aller combattre les Goths en Asie Mineure. Il disparaît un an après son accession au pouvoir, probablement assassiné.

Immédiatement le Sénat fait de son frère Florien ( 276 ) le nouvel Empereur, lui-même assassiné au bout de quelques semaines.

Probus ( 276 à 282 ), acclamé par l'armée, est également un Illyrien, militaire de grande valeur. Il entreprit de pacifier l'Egypte, qui avait dû prendre quelques libertés depuis l'épisode palmyrien, écrasa trois usurpations ( une en Syrie et deux en Gaules ), ainsi que les Sarmates une fois de plus sur le Danube. Au plan civil, il continua les réformes entreprisent par Aurélien : allocation des terres en friche aux cités ( en quelque sorte création d'ager publicus au niveau provincial ), mise en place d'un plan de développement agricole, abolition de l'édit de Domitien qui limitait la culture de la vigne pour protéger l'Italie.

Ces réformes, nécessaires, illustre bien le grave état de faiblesse de l'Italie et de sa population.

Soucieux d'efficacité, exigeant pour lui-même comme pour les autres, Probus est assassiné par ses propres troupes alors qu'il se préparait à combattre les Perses sassanides.

Immédiatement les troupes stationnées en Rhétie proclament Carus ( 282 à 283 ), Préfet du prétoire originaire de Narbonne, nouvel Empereur. Il élève ses deux fils, Numérien ( 283 à 284 ) et Carin ( 282 à 285 ) co-Empereurs.

Carus poursuivit victorieusement l'expédition préparée par Probus contre les Perses, mais fût assassiné, de même que son fils Numérien peu de temps après.

Le nouvel homme fort acclamé par l'armée est Dioclétien ( 284 à 305 ) dont l'une des premières tâches fût probablement de faire assassiner Carinus, dernier fils de Carus.

Dioclétien, c'est à lui seul une étape dans l'histoire de Rome, et ce pour deux raisons. La première c'est qu'il eût, à l'inverse de ses prédécesseurs, le temps de travailler. La deuxième, c'est qu'il eût la vision de la nécessité de réformer l'Empire en profondeur.

Les mentalités avaient changé, les besoins également. D'une période de conquête, celle du Haut-Empire, on était indiscutablement entrés dans celle du Bas-Empire, celle de la défense dans l'urgence, qui laissait peu de place à la réflexion et à la culture. La Pax Romana et la splendeur de Rome avaient vécu, nous entrions dans le repli sur soi, des temps sombres qui préfiguraient déjà la noirceur du Moyen-Age. Grace aux solides Illyriens l'Empire était encore fort, capable de se défendre et d'infliger de sévères défaites aux ennemis traditionnels du Nord et du Moyen-Orient, mais plus de vaincre. Les antiques vertus disparaissaient au profit des nouvelles chimères. On ne raisonne plus, on croit.

C'est sur ces bases, menaces extérieures, affaiblissement intérieur, que Dioclétien estime devoir entreprendre une réforme radicale de l'Empire.

En premier lieu il va institutionnaliser ce que nombre de ses prédécesseurs avaient utilisé empiriquement avec leur progéniture : créer des césars et des augustes pour l'aider dans son immense tâche. Mais là où les anciens Empereurs s'étaient contenté de préparer leur succession en créant des dynasties familiales, lui instaure un partage du pouvoir, certes pas tout à fait à parts égales puisqu'il reste l'auguste principal. Qui plus est, chaque auguste, Empereur à part entière, se voit adjoindre un césar, véritable vice-Empereur.

Malheureusement c'était déjà affaiblir Rome, son pouvoir politique et sa prééminence historique car les nouveaux Empereurs ne résidaient plus dans l'Urbs.

Dioclétien s'installe à Nicomédie dans la Province de Bythinie près du Bosphore ( actuelle Turquie ) pour contrôler l'Orient . Maximien ( 286 à 305, puis 306 à 310 ) est affecté à Milan pour piloter l'Occident. Quant aux deux césars, Galère s'installe à Sirmium, Province de Pannonie, près du Danube, face à la Dalmatie redevenue indépendante et Constance Chlore à Trèves face à la Germanie.

Autre innovation politique majeure, Dioclétien avait envisagé que tous les vingt ans ( ce n'était pas encore le quinquennat ) les deux Empereurs devaient se retirer au profit de leurs césars qui, devenant Empereurs, devaient s'adjoindre chacun un nouveau césar.

Ce nouveau régime politique, c'est la Tétrarchie. L'unité de l'Empire est assurée par la prééminance de l'Empereur principal qui a la main sur tout et sur tous, y compris les trois autres tétrarques.

Et pour bien fixer les esprits, le premier auguste est d'essence jupitérienne, issue du dieu principal du panthéon romain, tandis que le second se contente d'une ascendence herculéenne, Hercule fils de Jupiter n'étant qu'un demi-dieu. Les choses sont claires et l'association des pouvoirs politiques temporels et religieux spirituels est établie dans la même hiérarchie.

En plus de la division en quatre zones de responsabilité première réparties entre les quatre tétrarques, Occident, frontières de Germanie, du Danube et d'Orient, l'Empire est administrativement réformé en profondeur.

Le territoire est divisé en 12 diocèses, subdivisés en plus de 100 provinces ( contre 48 avant la création des diocèses ). Ces nouvelles provinces étaient dirigées par un vicaire, de rang équestre, dépendant directement de l'Empereur, vidant de sens le rôle du Préfet du Prétoire.

Au sommet de cette centralisation administrative efficace, le Conseil impérial et les 5 grands bureaux distilent arrêtés,ordres et instructions vers les 4 résidences impériales des 4 tétrarques.

L'armée elle-même est développée, réorganisée en 60 légions contre 39 auparavant, mais de plus petite taille. Les effectifs globaux sont évalués à environ 450.000 hommes, ce qui ferait une moyenne de 7500 hommes par légion tout compris : légionnaires, cavalerie, troupes auxiliaires.

Contrepartie inéluctable à ces mesures utiles et efficaces, une pression fiscale accrue frappe les citoyens. L'impôt financier est établi sur deux bases : un impôt par contribuable ( par personne physique) et un impôt foncier établi sur les terres ( selon la surface et la valeur des terres ). A cela s'ajoute une nouvelle forme, l'impôt de conscription dûe par chaque propriétaire foncier en fonction de sa richesse : les besoins de l'armée étaient tels que les levées faites dans les provinces, les auxiliaires barbares et les mercenaires n'y suffisait plus. Il y a longtemps que Rome ne pouvait plus compter sur la mobilisation des soldats-paysans italiens des origines.

Au plan économique Dioclétien tenta une réforme monétaire, qui bien que nécessaire pour contrecarrer les dérives précédentes, eût pour effet principal de déclencher une inflation telle qu'il dût instaurer un contrôle des prix en 301, l'"Edit du maximum". Ce texte, applicable dans tout l'Empire, fixait un prix maximum à ne pas dépasser pour les denrées et les services. Et pour bien fixer les esprits, l'édit de Dioclétien stipulait que pour tout détournement de la loi, organisation de la pénurie pour vendre plus cher, et autre maneuvre frauduleuse, un seul châtiment était prévu : la peine de mort. Evidemment le problème de la récidive était réglé de fait.

L'édit de Dioclétien nous est parvenu et nous renseigne en détail sur les prix, selon les provenances, les qualités des marchandises, les caractéristiques des services ou le degré de compétence des salariés.

Comme tous ses condisciples illyriens, Dioclétien oeuvre à maintenir vivace la religion romaine traditionnelle, bien adaptée à la vie et à la solidité des cités, ancrage de base de la romanité. Il lutte très logiquement contre manichéisme, monothéismes et autres croyances et dérives moyen-orientales suceptibles de déstabiliser l'unité de l'Empire et son socle politico-religieux.

Les chrétiens, profitant d'une cinquantaine d'années de non-répression s'étaient multipliés. Galère qui en a bien conscience tire le signal d'alarme, répercuté par les philosophes dont la pensée rationnelle se heurte aux superstitions de la secte chrétienne, chrétiens qui plus est, ont la prétention de faire de leur dieu, le dieu unique, auquel il obéissent prioritairement au pouvoir politique. Là, "ça va pas le faire".

Porphyre qualifie très lucidement le christianisme de superstition fabriquée par des charlatants beaux parleurs comme savent l'être les orientaux, "une aberration intellectuelle facile à confondre, un ferment de désagrégation sociale et une subversion politique".

Le bilan est clair, lutter contre s'avèrera plus difficile.Religion opium du peuple, drogue apte à surmonter les souffrances du quotidien, pourquoi pas, mais à condition de rester à sa place, celle du spirituel, sans prosélytisme, sans ingérence dans le temporel, le politique.

En 303, nouveaux édits de Dioclétien interdisant le christianisme. Cela induit la destruction des lieux de culte, la révocation des fonctionnaires chrétiens et la déchristianisation des fidèles. Ces derniers ont le choix entre, renoncer à leur croyance monothéiste en sacrifiant aux dieux romains, mourir ou finir dans les mines, ce qui devait être pire que tout. Ce fût la dernière tentative sérieuse d'héradiquer le fléau chrétien.

Si nous devions faire un bilan de l'action de Dioclétien et de la tétrarchie, nous constaterions un "mieux" général dans tout l'Empire, une croissance retrouvée en interne avec des frontières sécurisées, y compris en Orient au prix de redoutables efforts. Notre jugement serait hélas tempéré quant à la durabilité de cet équilibre retrouvé.

A l'abdication de Dioclétien, conformément à son engagement, les choses se gâtent. La deuxième tétrarchie voit bien la montée de Constance Chlore ( 305 à 306 ) comme auguste, mais sans la nomination de son fils Constantin comme césar. De même Maximien avait également un fils, Maxence, lui-même oublié par l'ascenceur social de la deuxième tétrarchie.

Les deux jeunes ambitieux n'eurent pas l'intention d'en rester là. Le choix par Dioclétien des nouveaux césars, Sévère, un de ses amis officier illyrien et Maximin Daïa un de ses neveux, pris la forme légale par adoptio des nouveaux venus. Le vieil Empereur qui ne souhaitait plus que se retirer dans son palais de Split sur la côte dalmate ( en Yougoslavie, actuelle Croatie ) voulait néanmoins imposer son choix. La vraie faiblesse des vieillards est qu'ils ne savent pas décrocher...

En 306 Constance Chlore, alors auguste, Empereur de la seconde tétrarchie, décède à York, en Bretagne. Son fils Constantin, venu le rejoindre, se fait acclamer par ses troupes, inaugurant sa future carrière d'Empereur par une usurpation.

A Rome, Maxence ( 306 à 312 ) fait de même, rappelant à la rescousse son vieux père, Maximien, tout heureux de reprendre du service.

Galère ( 305 à 311 ), devenu premier auguste, sent que les choses tournent mal. Il fait de Sévère son second auguste, devenu Sévère II ( 306 à 307 ), nommant au passage Constantin césar pour apaiser les tentions.

Sévère veut rétablir l'ordre à Rome et chasser Maxence et Maximien, mais il est éliminé par ses propres troupes.

Maxence, sans en référer à Galère, reconnait Constantin comme auguste.

Maximin II Daïa ( 307 à 313 ) s'auto-proclame auguste.

Suite au décès de Sévère, Galère choisit alors comme second auguste un autre Illyrien nommé Licinius I ( 308 à 324 ), pour le distinguer de son fils le césar Licinius II .

Quatre Empereurs dont deux illégitimes ( Maxence et Constantin ), ça faisait beaucoup.

Licinius fait de son général Valens son co-Empereur connu sous le nom de Valens I ( 316 ) pour tenter de lutter contre Constantin I.

Pour les mêmes raisons il fera auguste Martinien ( 324 ) : tous deux seront assassinés par Constantin I la même année.

Dioclétien avait mis en place un régime politique qui avait fait ses preuves en terme d'efficacité, de cohésion même comme l'illustre le groupe statuaire des Détrarques de la place St Marc à Venise. Cependant il ne sût pas préparer sa succession, tentant d'imposer au dernier instant un caprice de vieillard au détriment de l'intérêt supérieur de l'Etat.

S'en suivit logiquement une guère intestine qui dura dix longues années au seul profit de Constantin ( 307 à 337 ) dit Constantin I le Grand. Grandeur toute relative, commencée par une usurpation, poursuivie par la destruction du nouveau régime, la tétrarchie, qui semblait bien parti, par l'abandon de l'Urbs comme capitale au profit d'une ville orientale, la vieille Byzance rebaptisée Constantinople, et cerise sur le gâteau, déclaration du christianisme comme religion d'Etat avec obligation d'abandon de la religion romaine, pillage des temples ...

Alliance du sabre et du goupillon, Constantin a t-il eu le choix en optant pour le christianisme, ou la gangrène était-elle si généralisée qu'il n'avait pas d'autre possibilité pour maintenir son pouvoir ? Toujours est-il que la défaite de Licinius, fervent défenseur des valeurs et de la religion romaines sonne le glas de notre civilisation occidentale telle que nous la concevions et l'aimions. Les monothéismes, l'effondrement politique en cours nous ferons sombrer dans mille ans d'obscurentisme, de misère, de guerres et d'anéantissement de notre culture.

Rome n'est plus. Malgré la Renaissance du 16° siècle, malgré le Siècle des Lumières, le 18°, nous n'avons pas encore fait surface que déjà la menace moyen-orientale se profile à nouveau, menaçant notre fragile reconstruction européenne.

Signe des temps, Lactance, à la plume soignée, glisse de sa période païenne à sa période chrétienne sous Constantin I°.

Rome allait changer d'Empereur après six ans de règne de Maxence. Ce 28 octobre 312 il fît l'erreur de se porter à la rencontre de Constantin qui avait décidé d'en finir par les armes. A t-il voulu éviter un siège de l'Urbs, qui aurait pu durer longtemps, pour la protéger, lui qui s'était employé à l'embellir? Toujours est-il qu'il fût battu par Constantin, qui aurait eu sa fameuse vision au pont Milvius ( " par ce signe tu vaincras..." le chrisme que l'on trouvera sur les boucliers de ses soldats et sur les enseignes militaires) . Usurpateur, néo-chrétien en devenir, Constantin n'aurait pas hésité à franchir le pomerium de toute manière, sacrilège suprême pour tout romain respectueux de la tradition.

La dynastie constantinienne était en marche.

Constantin, comme son père, était au départ un adepte de Sol Invictus, et ce quasi monothéisme moyen-oriental a dû lui faciliter la tâche pour basculer dans le christianisme.

Et l'argument d'un Occident encore majoritairement païen n'a pas dû peser lourd chez un Constantin qui avait décidé de se tourner vers l'Orient, majoritairement porté sur les cultes moyen-orientaux avec une prédominance de plus en plus marquée pour le christianisme, au point d'oser abandonner l'Urbs au profit d'une nouvelle capitale à sa gloire. Nous sommes loin du sens de l'Etat, de la virtus, de la gravitas, de la conscience citoyenne des anciens romains.

Constantin I arrive au pouvoir à l'âge de vingt deux ans. Bien que toujours Pontifex Maximus de la religion romaine, il favorise outrageuseument les chrétiens qui se voient généreusement dotés de subventions d'Etat pour reconstruire et développer leurs églises. En politique cela s'appelle ratisser large.

Qui plus est, les chrétiens bénéficient d'exemptions fiscales et obtiennent même la création de tribunaux religieux : à ce stade, ce sont les pouvoirs régaliens de l'Etat qui sont touchés. Les symboles chrétiens fleurissent sur les monnaies et en 319 il faut une loi autorisant la pratique des anciens cultes pour protéger les païens ( ahurissant ! ). Constantin refuse d'accomplir son devoir sacerdotal au Capitole et ira même jusqu'à interdire aux haruspices de pratiquer leur art divinatoire, eux qui étaient issus de l'antique religion étrusque.

En l'espace de sept ans l'Empereur, Père de la Patrie, chef de la religion romaine, vient de mettre à bas les fondements de la civilisation romaine que ses illustres prédecesseurs lui avaient transmis. C'est la plus haute trahison qu'ait connue Rome. Et pour faire bon poids, la capitale est abandonnée.

Le crime ne profita pas complètement au traitre et à ses amis chrétiens puisqu'une sombre querelle de prédominence théologique les divisa gravement, semant la discorde pendant longtemps à travers tout l'Empire, et ce malgré le concile de Nicée convoqué en 325 par Constantin qui voulait reprendre la main.

Et pendant ce temps, en Orient les Sassanides tenaient le choc : malgré la présence de très nombreux chrétiens, leur empire ne bascula pas dans le monothéisme intégriste, du moins pas tout de suite puisqu'il leur fallut attendre l'invasion arabe.

Constantin entreprit cependant de consolider les frontières en installant progressivement des barbares sur les marges de l'Empire, en leur donnant des terres, en intégrant certains dans les troupes auxiliaires, dans l'espoir de créer des zones tampons aptes à se défendre elles-mêmes. C'était un peu pactiser avec le diable, mais il n'en était plus à cela près, ayant déjà pactisé avec le dieu des chrétiens.En bon militaire illyrien, il défendit néanmoins les frontières jusqu'à sa mort, en 337.

Administrativement, la centralisation avait été poussée à l'extrème, l'Empereur décidant de tout à partir de la Chambre, sorte de conseil impérial. Et pour la première fois est créé un véritable service de renseignements intérieurs, genre de police politique, les "agentes in rebus"qui pourrait se traduire par "chargés d'affaires". Quant à la très haute administration, elle se compose désormais de 3 à 5 supers "préfets régionaux", véritables bras droits de l'Empereur.

Réquisitionnant or et argent des temples païens et des particuliers, Constantin créa de nouvelles monnaies d'un poids de 4,5 grammes, le solidus d'or et le miliarensis d'argent, monnaies servant aux potentes, les puissants, pendant que les tenuiores, les petites gens, se contentaient de menues monnaies frappées en très grandes quantités pour les transactions courantes. L'écart entre classes sociales s'aggrava encore, créant de dangereuses fractures supplémentaires dans la population.

Au plan législatif, quelques progrès tel l'abolition du marquage des esclaves au fer rouge sont vite ternis par des mesures intégristes d'une sévérité exagérée contre certaines inconduites nouvelle norme, telles l'adultère ou le concubinage.

Juste avant de mourir en devenant officiellement chrétien par le baptème, Constantin I° dit le Grand, confia sa succession à ses enfants :

- pour Constantin II ( 337 à 340 ) la Bretagne(GB), les Gaules et l'Espagne;

- pour Constance II ( 337 à 361 ) l'Egypte et l'Asie mineure

- pour Constant ( 337 à 350 ) les provinces danubiennes, l'Italie et l'Afrique

Et pour faire bonne mesure deux neveux étaient gratifiés avec le titre de césars :

- pour Hannibalien de la Cappadoce ( Est de la Turquie, en bordure de l'Euphrate )

- pour Delmace de la Thrace et de la Macédoine ( Grèce élargie )

On en revenait à rediviser l'Empire en Empire d'Occident, Empire central et Empire d'Orient.

Vu la graine de requins de cette belle dynastie les choses n'en restèrent pas là, et d'éliminations en éliminations seul resta à la barre Constance II, qui épargna cependant le futur césar Galle et le futur auguste Julien.

Constantia, une des filles de Constantin I, et veuve d'Hannibalien, assassiné par Constance II, pousse le vieux général Vetranio ( 350 ) à se faire acclamer Empereur par ses troupes. Constance II, trop faible militairement, n'a pas d'autre choix que de reconnaître Vetranio comme co-Empereur.Vetranio abdiquera à la fin de l'année.

Trois mois après Constantia, c'est une soeur de Constantin I, Eutropia, qui pousse son propre fils, Népotien ( 350 ) à revêtir la pourpre. Népotien réussit à prendre Rome, mais sera éliminé, ainsi qu'Eutropia, moins d'un mois plus tard.

Entre temps, face aux dérives de Constant, l'armée acclama Magnence ( 350 à 353 ) Empereur : il n'est pas exclu qu'il reçu la ratification du Sénat. Quant au césar Galle, son incompétence amena Constance II à le faire décapiter. Restait donc, en plus de l'unique auguste, Julien.

Julien fût élevé au césariat, en charge des Gaules. Il établit sont quartier général à Lutèce, les villes frontières n'étant plus assez sûres, voir déjà tombées aux mains des barbares Francs, Alamands et Saxons.

En quelques années il rétablit la situation. Constance lui demanda alors de se porter en Orient où les choses tournaient mal ( perte de six légions ! ). Il était prêt à se mettre en marche quand ses troupes qui n'avaient nulle envie de traverser tout l'Empire après ce qu'elles venaient d'endurer face aux barbares, le proclamèrent auguste.

Au début du printemps 361 Julien marche contre Constance à la tête d'une toute petite armée de seulement 25.000 hommes. Le combat final n'aura pas lieu, Constance, malade, meure en désignant Julien comme son successeur.

L'usurpateur Julien devient l'Empereur Julien II ( 361 à 363 ) dit le Philosophe pour les païens et l'Apostat pour les chrétiens.

La grande oeuvre de Julien césar aura bien été, telle celle de Postumus, de protéger les Gaules et tout l'Occident en maintenant les barbares hors les frontières.

Julien Empereur n'aura pas eu beaucoup de temps pour entreprendre sa seconde oeuvre, le rétablissement de la culture des philosophes, néo-platonicienne surtout, ainsi que les cultes païens, socle de la tradition et de la culture romaine.

Très cultivé, païen, Julien II promulga dès 361 un édit instaurant la tolérance religieuse dans tout l'Empire, tant au bénéfice des Païens que des diverses variétés de chrétiens, adeptes du dogme de Nicée ou partisans de l'arianisme.

Là encore, le régime n'était pas très éloigné de la laïcité à la française, sauf que c'était il y a plus de 1500 ans et qu'il couvrait tout le monde civilisé. On ne peut pas dire que nous ayons beaucoup progressé en la matière...

Hélas Julien II ne fût guère suivi par les populations païennes dont la ferveur religieuse était moins marquée que la sienne, ni bien sûr par les chrétiens qui s'étaient approprié les richesses et les temples anciens. Rien ne survivra de cette très belle réforme de paix et de justice sociale.

Et pourtant Julien II en peu de temps fît d'autres réformes inspirées de celles des Antonins et adopta une saine gestion combattant les abus, rééquilibrant les finances, atténuant la pression fiscale.

Rome réussit à éliminer Carthage mais ne pût jamais se débarasser définitivement des Perses si bien qu'en 363 Julien décida de terminer le travail que Constance n'avait pu achever. Malheureusement un javelot l'atteignit le 26 juin 363, sans que l'on sût vraiment s'il provenait d'une main perse ou chrétienne.

Lui succéda le très fade Jovien ( 363 à 364 ), chrétien, dont on dit qu'il était aussi dépourvu d'ennemis que de qualités. La médiocrité des temps finit toujours par mettre en valeur ce type de médiocre personnage.

La conséquence fût immédiate : les derniers païens furent poursuivis et anéantis.

Jovien sera retrouvé mort sous sa tente en Galatie ( Turquie centrale ) : l'histoire ne dit pas si ce fût le résultat de la nuit précédente de beuverie ou avec l'aide de quelque main charitable ( pour l'Empire ).

L'armée proclame un nouvel auguste, toujours d'origine illyrienne : Valentinien I ( 364 à 375 ). Sous la pression de l'armée il partage l'Empire en deux et garde l'Occident, pendant que son frère Valens II ( 364 à 378 ) se charge de l'Orient.

C'est le partage définitif de l'Empire, les deux augustes règnant pleinement sur leur partie respective, sans intervention de l'autre partie. L'histoire de l'Orient se sépare de celle de l'Occident, et force est de les appréhender séparément.

L'Empire d'Occident

Valentinien I est avant tout un solide militaire et ne fait pas dans la dentelle, se mettant rapidement à dos le Sénat comme le souligne le grand historien Ammien Marcellin, au profit cependant de la classe des populations modestes, les humiliores, allant jusqu'à créer un corps de fonctionnaires spécialisés à cet effet, les defensores plebis ( loi promulguée en 368 ).

L'administration est développée, ainsi que l'influence de l'armée. Valentinien renforce le prestige de Rome en en faisant le centre de formation des futurs administrateurs de l'Occident. Louable intention, d'autant qu'il s'employa en même temps à un savant équilibre des responsabilités aux postes importants entre païens et chrétiens.

La frontière est renforcée, et les opérations militaires s'étendent parfois en territoire barbare, que ce soit en Bretagne, en Germanie et même en Afrique.

Règne brutal donc que celui de Valentinien I, mais règne efficace et constructif, avec en plus un certain développement de la justice, règne positif au global.

Le pouvoir passe à son fils Gratien ( 375 à 383 ), intellectuel formé par Ausone, un professeur bordelais ainsi que par Mérobaud, général franc devenu consul. Loin d'être un génie, la bonne formation de Gratien lui permit de gérer honnêtement l'Empire, équilibrant ses pouvoirs avec ceux du Sénat. Les intellectuels y trouvèrent leur compte, y compris les païens, jusqu'à ce que l'évêque de Rome et ses complices influencèrent très néfastement l'Empereur.

Bousculé par les Goths et sous la poussée d'une usurpation en Bretagne, Gratien cède et périt massacré à Lyon.

L'armée avait proclamé second auguste son jeune demi-frère Valentinien II ( 375 à 392 ).

Théodose I , Empereur d'Orient, intervient, liquide l'usurpation qui avait renversé Gratien et place Valentinien II sous la tutelle d'Arbogast, général franc.

De 388 à 391 Théodose I gouverne théoriquement seul. De fait l'Empire d'Occident est aux mains d'un "barbare", certes très romanisé.

En 392 Théodose élimine Valentinien I et Arbogast, réunifiant pour quelques temps l'Empire sous sa seule autorité.

Théodose I transmet à sa mort en 395 l'Empire à ses deux fils : l'Occident à Honorius ( 395 à 423 ) et l'Orient à Arcadius ( 395 à 408 )

A partir de cette date, l'Empire se désagrège petit à petit, incapable de résister aux attaques extérieures comme intérieures.

A noter qu'Honorius eût au moins le mérite de consolider les remparts de Rome, la muraille mise en place par Aurélien.

Le général d'Honorius, Stilichon, un Vandale de grande valeur, n'arrive plus à contenir rebellions, invasions et usurpations. Alaric, chef des Wisigoths, un temps allié des Romains, ravage la Thrace, puis la Grèce, puis l'Italie en 401. Radagaise, un Germain à la tête d'une armée d'Ostrogoths et d'Alamans menaçait Rome : en 406 Stilichon l'anéantit mais ne peut résister à une invasion de Germains en Gaule.

Sous la pression de sa cour, à Ravenne, Honorius fit l'erreur de se débarasser de Stilichon, si bien qu'en 410 Alaric prit Rome et la pilla.

Un an plus tard, au décès d'Alaric, son successeur Athaulf négocie son départ d'Italie en se faisant remettre la Narbonnaise, puis passe en Aquitaine et en Espagne.

Athaulf épousa Galla Placidia, fille de Théodose I, qui, une fois veuve en 415 et de retour à Ravenne, épousa Constance, futur Constance III ( 421 ) associé au pouvoir par Honorius.

En 423, à la mort d'Honorius, Jean ( Johannes ) ( 423 à 425 ) se fait reconnaître Empereur d'Occident. Il sera éliminé par Galla Placidia, un temps exilée à Constantinople.

En 425 son fils Valentinien III ( 425 à 455 ), imposé par la cour de Constantinople, s'empresse d 'annuler tous les actes du gouvernement de Johannes.

En 455, c'est Valentinien III qui est assassiné à son tour, laissant pour deux mois le pouvoir à Petronius Maximus ( 455 ) qui s'enfuit à l'arrivée des Vandales dirigés par Genséric.

Après un nouveau pillage de Rome, Genséric annexe l'Afrique et embarque l'impératrice et ses deux filles.

Se succèdent alors, ballotés entre barbares, Empire d'Orient et patriarches de Constantinople, dans un désordre indescriptible, Avitus ( 455 à 456 ), Majorien ( 456 à 461 ), Livius Severus ( 461 à 465 ), Anthème ( 467 à 472 ), Olybrius ( 472 ), Glycère ( 473 à 474 ), Jules Nepos ( 474 à 475 ) et enfin Romulus Augustule ( 475 à 476 ) un enfant au nom symbolique qui signe la fin de l'Empire romain d'Occident.

L'Empire d'Orient

Comme nous l'avons vu, la création de l'Empire d'Orient en 364 est le fait du frère de Valens II ( 364 à 378 ), Valentinien I, Empereur d'Occident.

Le règne de Valens II est une catastrophe : domination de l'arianisme chrétien, persécution des païens, philosophes et intellectuels, usurpations, déconfitures militaires, installation des Goths en Thrace après les avoir aidés à traverser le Danube, et enfin sévère défaite militaire à Andrinople en Turquie au cours de laquelle Valens II disparut.

Entre temps, Procope ( 365 à 366 ), peut-être un cousin germain de Julien II, s'était emparé de Constantinople et fait proclamé Empereur, menaçant Valens II.

C'est Gratien, Empereur d'Occident, qui désigne Théodose I ( 379 à 395 ) nouvel Empereur d'Orient.

On voit bien que les liens entre les deux Empires n'étaient pas encore totalement coupés, et longtemps encore des Empereurs tenteront de réunifier le viel Empire, jusqu'à la période byzantine, la mal nommée, Byzance ayant disparu depuis longtemps au profit de Constantinopolis, la ville de Constantin.

Théodose I ( 379 à 395 ) , originaire d'Espagne, a une toute autre envergure que Gratien, si bien que dans les faits ce fût lui qui dirigea les deux Empires jusqu'en 383 sous couverture d'une bonne entente entre les deux Empereurs, réunifiant même l'Occident et l'Orient de 392 à 395 après avoir éliminé Valentinien II.

Au plan militaire ce n'est guère mieux qu'en Occident, les Goths s'installant durablement entre Danube et Balkans.Les villes sur le Danube tombent les unes après les autres et un véritable royaume goth allié de Rome s'installe durablement en Pannonie.

Au plan législatif, Théodose impose définitivement le pouvoir du christianisme au détriment de l'arianisme déclaré hérétique par le décret de Théssalonique en 380. Le paganisme, la religion des Romains, est reléguée au niveau d'un simple folklore...

La tutelle morale de l'Eglise frappait d'une chappe de plomb le pouvoir temporel du représentant politique de l'Empire. Les chrétiens avaient réussi leur coup : imposer le pouvoir de leur dieu au pouvoir de l'Empereur, Empereur qui n'était non seulement plus le Pontifex maximus, chef de la religion, mais qui plus est, dont le pouvoir était soumis à la tutelle de l'Eglise.

Au plan militaire, au plan politique, au plan spirituel, on touchait le fond : l'Empire existait encore, mais pour peu de temps.

Théodose I transmet à sa mort en 395 l'Empire à ses deux fils : l'Occident à Honorius ( 395 à 423 ) et l'Orient à Arcadius ( 395 à 408 ).

A sa mort en 408 Arcadius transmet le pouvoir à son fils Théodose II ( 408 à 450 ), Empereur fantôme balloté entre sa soeur Pulchéria et son épouse Eudocia, toutes deux augusta de leur vivant. Ces deux femmes, rivales, assumeront le pouvoir en lien avec les patriarches d'Alexandrie.

Se succèderont alors encore quelques souverains qui nous laisseront l'illusion d'une Rome éternelle : Marcien ( 450 à 457 ), Léon I ( 457 à 474 ), Léon II ( 474 ), Zénon ( 474 à 491 ), Anastase ( 491 à 518 ), Justin ( 518 à 527 ) et enfin Justinien ( 527 à 565 ).

Ce que nous pouvons observer de la fin de l'Empire c'est que la pars orientalis a été beaucoup plus stable que la pars occidentalis, avec 15 Empereurs en Occident pendant qu'il n'y en eut que 9 en Orient pour la même période.

De plus l'Empire d'Orient survécu 90 ans de plus que l'Occident, donnant même une suite à l'antiquité classique, l'Empire byzantin qui survivra 900 ans de plus.

Avec Théodose I nous avons vu qu'au plan militaire, au plan politique, au plan spirituel, on touchait le fond.

L'esprit de l'Occident est mort, submergé par les superstitions et les pratiques moyen-orientales.

Auguste, qu'ont-ils fait de ton Empire?

Romains, comment avez-vous pu laisser périr la civilisation de façon aussi lamentable?

Stoïciens, hommes d'Etat, qu'avez-vous fait de la Virtus, de la Gravitas, de toutes ces vertus qui avaient fait de vos illustres ancêtres les bâtisseurs de notre monde ?

Le prix de votre défaillance est lourd : mille ans d'obscurentisme, de désagrégation politique, de ruine de la civilisation, de folie moyen-âgeuse et religieuse, de malheurs en catastrophes, avant qu'une petite lumière ne se rallume, la Renaissance, redécouvrant timidement le monde antique.

Iovi redde mea principia

O Jupiter, rends-moi mes bases !

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